Retour de mon weekend sur l’expérience du froid.
Le confort dans l’inconfort, endurance physique et psychique face au froid, un chemin vers la liberté...
Le cheminement que vous allez découvrir, en lisant cet article, est dans une logique qui m’est personnelle et qui n’est pas forcément la vôtre. Pouvez-vous lire cet article avec curiosité en entendant toutes vos pensées qui émergeront, du “j’adore” au “je déteste”, en passant par toutes les nuances de subtilités ?
Quelque soit vos réactions en lisant, vous pourrez après lecture passer à l' expérimentation du froid sans jugement et peut être seriez-vous étonné, surpris, décoiffé, bluffé de votre potentiel, bien plus grand que vous ne le pensiez !
J’ai toujours été attirée par le froid et vous ? Peut être détestez vous prendre une douche froide ? Cette expérience vous paraît-elle peu engageante, ou même impossible actuellement ? Pour commencer, je tenterais de vous faire comprendre le contexte de ma motivation du stage que j’ai fait sur “La résistance physique et psychique au froid”. La suite sera mon retour d’expérience à travers ma pratique sportive et d’instructrice de pleine conscience.
Puisse cette lecture ouvrir un champ plus vaste d’expériences liées au froid, à l’inconfort, aux limitations, aux conditionnements, aux habitudes, en agrandissant l’amplitude de votre plage de confort afin d’embrasser une vie plus large ! Prêt pour vous challenger tout en vous respectant en trouvant du confort dans l’inconfort chacune, chacun à votre rythme... ça vous tente ? C’est parti !
Mon parcours
Très jeune j’ai été habituée au froid, l’hiver n'empêchait pas mère de me ballader en landau pendant des kilomètres et de revenir avec une épaisse couche de neige. Dès que j’ai pu barboter dans l'eau, mes premiers bains ont commencé à Pâques en Normandie. Nous n’avions pas l’habitude de rester au chaud à la maison, quand il pleuvait, nous mettions les impers et en route la vadrouille… Dès les 1er beaux jours de Pâques nous mangions dehors avec les parkas et bonnets ! La devise, chez nous, vous avez compris était et est toujours “Vive le grand air !”.
A 95 ans ma mère ne nage plus dans l’eau à 16 degrés comme elle l’a fait jusqu'à 80 ans, mais elle se balade tous les matins par tous les temps, qu’il pleuve vente ou neige et c’est un choix de vie, un moment sacré, comme d’autres vont à l’église…
“On ne regrette jamais un bon bain” serait ma devise, il est difficile pour moi de ne pas résister à plonger dans l’eau que ce soit dans un lac de montagne comme dans une mer agitée. A la question “L’eau est comment ? Ma réponse est souvent “Elle est bonne !” Le bain a toujours été pour moi un moment de bonheur, de vitalité, la joie de se sentir vivant au milieu des éléments, de la nature. Mais j’ai bien compris que nous n’avions pas tous les mêmes sensations du froid, de l'agréable, du désagréable et du neutre !
Je vis en région parisienne, et j’ai pallié le plaisir de nager dans l’eau fraîche de Bretagne - ou dans l’eau froide des lacs en montagne - par des douches froides, et c’est devenue une habitude. C’est devenu une vraie pratique de pleine conscience …. Nous reviendrons plus tard sur la pratique de la douche froide.
A travers mes expériences de vie, vous comprendrez qu’en tant que professeur de Tai Chi Chuan, j’ai fait le choix d’enseigner toute l’année en salle et aussi en plein air même l’hiver quand le thermomètre descend sous le zéro ou qu’il neige ! C’est vrai nous sommes en région parisienne, le thermomètre ne descend pas en dessous des -20°C mais nous avons déjà pratiqué avec des -8C et dans la neige pendant des périodes de 3h ! C’est intéressant de voir chacun s’adapter, s’organiser pour pratiquer avec le froid, puis après de partager auprès des nouveaux les astuces, les types de chaussures, les doubles chaussettes, doubles gants, sous pull en soie, chapka, collant sous le pantalon, thermos... Commencer à pratiquer en septembre au parc est aisé, mais envisager pour la première fois de pratiquer quand le soleil disparaît et fait place aux nuages puis au froid hivernal, ça peut poser des interrogations, des inquiétudes au début. Particulièrement si vous aimez le soleil, la chaleur, que vous êtes une fille ou un gars du Sud !
Chaque année en mars, je suis l'enseignement de mon maître de Tai Chi Chuan en Finlande. A cette période, toute la ville d'Helsinki est encore sous la neige. J’ai eu l’envie de faire l’expérience de “l’ice swimming”, bain dans l’eau glacée, pratique traditionnelle des pays nordiques comme d’autres décident de sauter pour la première fois en parachute… mon entourage a commencé à douter de ma raison, “Quelle folie de se baigner à 3°C !”. Concours de circonstance, mes amis Finlandais m’ont invité à faire ce premier pas de l’ice swimming qui n’était pas anodin pour moi.
Nous voilà partis d’Helsinki, j’étais excitée et morte de trouille. Nous nous sommes retrouvés en pleine nature, au milieu de la forêt dans un endroit hors du temps. Imaginez, un paysage enneigé, un grand lac gelé avec juste une partie où la glace a été brisée pour permettre de s’y baigner. Nous étions entourés par la forêt, avec des petites cabanes en bois dispersées dans ce vaste espace. Au milieu de ce décor, des hommes et des femmes se déplaçaient avec chaussures, bonnets et maillot de bain !!!! C’était surréaliste, j’étais sur une autre planète !!!!
En premier lieu, nous sommes allés dans une des cabanes pour nous mettre en maillot de bain. Puis nous avons alterné le 1er sauna avec un 1er bain de quelques secondes. Puis à nouveau au sauna, un 2ème bain de quelques secondes de plus que le précédent. Avec l’acclimatation progressive, j’ai pu goûter la 3eme fois au plaisir de nager quelques minutes au milieu de la nature entourée par la glace, la neige, la forêt et quelques finlandais. En sortant de ce bain, entourée par mes amis toujours en maillot de bain et sans avoir froid dans la neige, j’ai été envahie par une sensation de force, de vitalité, submergée par une multitude de sensations, de picotement, de vibration, de chaleur. Je me suis senti incroyablement vivante et heureuse ! Et tradition oblige, nous avons terminé l'expérience en partageant la soupe de saumon aux pommes de terre autour d’une belle tablée, quelle mémorable expérience !
Puis les mois ont passé et pour mon anniversaire, Tristan, un de mes fils coach sportif m’a offert un livre en me disant, “ça devrait te plaire, ce gars est incroyable, il marche dans la neige en tee shirt et se baigne comme toi dans l’eau froide”, je découvrais Wim Hof dans “Tout ce qui ne nous tue pas”. j’ai dévoré ce livre et nous avons décidé de faire avec Tristan notre premier stage d’endurance froid.
Retour de mon expérience du stage :
Ce samedi nous étions une quinzaine à nous retrouver pour ce stage sur la pratique du froid, expérimentés pour certains, novices pour d’autres mais nous étions avec Tristan impatients de commencer et de tester notre résistance aux bains glacés. La piscine trônait dans la pièce, elle était remplie d’eau et de glaçons et elle nous attendait. Présentation du groupe, échanges... différentes pratiques autour de la respiration, hyperventilations, travail sur l’inspire puissant et forcé suivi d’expirations relâchées, puis temps d’apnée...allongés sur un tapis, assis…
Le moment fatidique arrive d’aller plonger dans la piscine accompagné par l’instructeur qui rajoute des glaçons à l’eau, pas question que l’eau se réchauffe. C’est notre tour, nous voilà avec Tristan à poser un pied puis l’autre et à plonger le corps dans l’eau à 3°C, mon rythme cardiaque, ma respiration s’accélèrent, j’ai des frissons... puis je viens me centrer sur mes sensations, impossible de penser à autre chose, le froid m’envahit et pleins de sensations apparaissent : picotements, vibrations, tensions... Puis je viens m’ancrer dans ma respiration et petit à petit, je me pose. Le calme s’installe et une sensation d’être présente, vivante émerge. Plus de frissons... 5 minutes ont sonné, c’est le moment de sortir, quelques exercices sans se sécher puis discussion, échanges en maillot de bain, l’aventure a commencée !
A nouveau séance de respiration puis échanges, repas rencontre avec chacun… Pratique à nouveau du bain froid plusieurs fois. L’instructeur vide régulièrement ses sacs de glaçons dans l’eau, pas question que l’eau soit tiède et à nouveau nous y retournons et cette fois nous y restons plus longtemps, le corps s’adapte, c’est plus aisé même confortable.
Le lendemain, c’est le grand jour de l’épreuve ultime, nous allons rester 45 minutes dans une pièce à -20°C en maillot de bain ! Préparation à nouveau autour de la respiration, puis nous voilà tous à la queuleuleu, nous dirigeant vers ce lieu où règne une ambiance givrée à -20°C. Nous voilà tous en maillot de bain dans cet igloo. Habituellement, chacun vient en gros parkas et chapka pour partager un verre givré, car c’est un bar. Nous, nous sommes en maillot de bain, dans ce lieu insolite qui sera notre terrain d’expérimentation du froid extrême sec. Nous commençons par une préparation physique pendant 20 minutes qui nous permet d’être chaud, puis nous nous posons dans le silence, présent à notre respiration. Nous méditons tous ensemble en maillot de bain à -20°C ! Quelle expérience !
Que de sensations nombreuses dans mon corps, dûes au froid, à l’activation de la circulation sanguine, à la vasoconstriction. Le corps contracte les capillaires sanguins de manière à préserver le sang au niveau de la partie centrale du corps pour protéger les organes vitaux et provoque des sensations tel un feu d’artifice. Et après, l’agitation interne, une sensation de calme profond se répand, présente à ma respiration... Puis des pensées, “et si la porte ne s’ouvrait pas….” puis retour à l’attention portée à ma respiration encore et encore. Une grande concentration règne dans l’igloo soutenue par la présence de tout le groupe dans cette expérience partagée, une personne sort mais le groupe reste calme à -20°C... Je commence à ressentir une sensation de chaleur qui se répand petit à petit dans l’ensemble de mon corps... Et ça y est, c’est l’heure de sortir de notre igloo…
En guise de conclusion :
Dans toutes ces expériences, du bain glacé et dans l’igloo à -20°C, j’ai pu reconnaître la puissance de la pratique de la pleine conscience : en restant pleinement présente à l’expérience qui se déroule et non au blabla mental que l’on peut se raconter autour de l’expérience, en arrivant à revenir s’ancrer dans la respiration, dans les sensations du corps, en restant connectée au corps. Expérimenter le fait d’être pleinement dans l’expérience, sans jugement, plus que penser cette expérience ou se raconter des histoires au sujet de l’expérience.
En sortant de ma zone de confort volontairement et en allant vers l’inconfort, j’ai pu agrandir ma zone de confort. Ce qui me paraissait inconfortable devient petit à petit confortable, j’apprends à tirer parti du stress dû au froid, du regard que j’ai sur lui, des jugements, de mes habitudes, de mes conditionnements, de mes peurs et d’être moins vulnérable à mes propres limitations, et d’être beaucoup plus que ce que je pensais. Le froid devient un terrain d’expériences pour apprendre à reconnaître, accepter l’inconfort, du stress dû au froid. Sous l’emprise du stress, le système nerveux sympathique s’active, le rythme cardiaque s’accélère, notre pression artérielle augmente, nos pupilles se dilatent sous l’effet des hormones du stress. Tout est chamboulé, le corps est en ordre de bataille pour faire face au danger quelque soit la nature de celui-ci - un tigre ou l’eau glacé !
En exposant le corps ponctuellement et volontairement au froid, cela va générer la libération d’hormones dont les endorphines qui réduisent les sensations douloureuses et favorisent le bien être. L’eau froide a une action anti-inflammatoire. Après un effort sportif, l’eau froide atténue les courbatures et les douleurs. Le froid libère aussi la noradrénaline dans notre cerveau qui est une hormone connue pour atténuer la dépression. Le froid va stimuler aussi la circulation sanguine, c’est la vasoconstriction et va stimuler notre système immunitaire en augmentant la production de globules blancs, qui aident l’organisme à lutter contre les maladies.
Nous arrivons à la fin de mon partage de mon expérience du froid :
Je ne vous invite pas à plonger dans votre congélateur, mais peut être à commencer à terminer votre douche chaude par une douche fraîche, juste un peu moins chaude que d’habitude de quelques secondes. Puis augmentez la durée, en vous challengeant tout en restant dans une zone de léger inconfort. Le but n’est pas de se faire du mal mais d’augmenter la capacité adaptative de notre corps au froid, à l’inconfort. En développant cette capacité, nous agrandissons l’amplitude de notre plage de confort tout en nous respectant, en nous écoutant, en nous relâchant et en venant au contact de nos sensations.
A chacun de trouver ses limites ! En reconditionnant notre corps et notre esprit, nous pouvons aller bien plus loin que ce dont nous nous pensons capable aujourd'hui.
Alors, prêt pour l’expérience de la douche fraîche ou froide de quelques secondes, en commençant après votre douche chaude, en partant des pieds jusqu’aux mollets et peut-être jusqu'aux épaules ? C’est à vous de ressentir ce que vous pouvez tolérer et n’oubliez pas de revenir au contact avec les sensations de votre respiration, d’observer toutes vos pensées qui vont émerger et de revenir aux sensations de votre corps. Allez-y progressivement, ne brûlez pas les étapes, et en route pour l’aventure !
Je termine en citant Alexandre Jollien:
“Et si le 1er pas consistait à repérer tranquillement, le mode pilotage automatique qui nécrose notre quotidien, pour redécouvrir un rapport lucide, joyeux à soi et au monde, cesser d’être une marionnette, arrêter de confier aux circonstances, au premier venu la télécommande qui régit notre état d’esprit ? La liberté ne saurait être donnée. Elle se construit, se découvre, au milieu des aliénations et des illusions qui nous enferment dans notre monde, loin du réel. Pour en jouir, nous sommes conviés à nous inscrire dans un processus de libération, à nous mettre en route, à dire adieu aux préjugés…”
Extraits de “A nous la liberté ! “ collectif d’auteurs, C.André, M. Ricard et A.Jollien.
Bonne pratique à toutes et à tous avec une douce discipline !
Corinne